Novembre 2003 TROPLOIN Lettre N°3


SOLIDARITES SANS PERSPECTIVE
& REFORMISME SANS REFORME
 
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Un mouvement «anti-capitaliste» est apparu depuis une dizaine d’années, visible dans la rue, de Seattle (1999) aux manifestations géantes contre la guerre en Irak (2003), mais actif aussi à travers d’innombrables associations, réseaux, réunions, publications, etc. Ce texte n’a pour but ni de dénoncer son réformisme, ni de célébrer un tel mouvement comme positif «malgré tout», mais de comprendre quelles solidarités le composent et reforment une communauté de lutte après le reflux mondial de la vague des années soixante et soixante-dix. Certes, la lutte de classes ne s’interrompt jamais. Un an après 1980 et la défaite décisive des ouvriers de Fiat (la direction réussissant à faire défiler à Turin plusieurs dizaines de milliers de salariés contre les grévistes), des émeutes secouaient toutes les grandes villes d’Angleterre. Il n’empêche qu’aujourd’hui quelque chose de différent se manifeste, par exemple en France depuis les grèves de décembre 1995. Non seulement les contestations dépassent de loin en ampleur celles d’il y a quinze ans, mais pour la première fois depuis longtemps, elles donnent l’impression de converger vers un projet relativement cohérent, capable de jouer un rôle unificateur, y compris entre pays dits du Nord et du Sud.

Quoiqu’un mouvement ne se juge pas à ce qu’il pense de lui-même, sa capacité à tracer des perspectives et à peser sur les débats d’une époque est déjà un signe d’existence sociale. Au-delà de l’air du temps, la conviction de représenter un élan nouveau, d’être une force montante, si elle est partagée par des millions d’êtres agissants, aide ces millions à se structurer. Les émeutes anglaises de l’été 1981 étaient sans doute porteuses d’une subversion bien plus féconde, mais les participants ne voyaient ni leurs actes ni eux-mêmes dessiner un avenir quelconque. La rébellion s’épuisait dans le geste. Aujourd’hui, au contraire, un sens commun se dégage. Le fait que, de par le monde, une myriade de regroupements se mobilisent durablement pour un programme suffit à donner à ce programme, quel qu’il soit, un minimum de réalité historique. Notre problème n’est pas de savoir si celle-ci va vers une remise en cause révolutionnaire (tel n’est clairement pas le cas), mais quel est son devenir possible.

Quel mouvement social produit le réformisme radical actuel ? et en quoi les contradictions du mouvement déterminent-elles la portée d’un tel réformisme ?