Février 2006 TROPLOIN Lettre N°5


CE QUE NOUS VOULONS : RIEN  [à propos des émeutes dites de banlieue]
 
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INTRODUCTION

Le 9 février 1961 à Naples, des ouvriers sortant le soir des usines ne trouvent pas les tramways qui les transportent habituellement, dont les conducteurs ont déclenché une grève-surprise parce que plusieurs d'entre eux venaient d'être licenciés. Les ouvriers manifestent leur solidarité aux grévistes en lançant contre les bureaux de la compagnie divers projectiles, puis des bouteilles d'essence qui mettent le feu à une partie de la gare des tramways. Puis ils incendient des autobus, affrontent la police et les pompiers. Au nombre de plusieurs milliers, ils se répandent dans la ville, brisant les vitrines et les enseignes lumineuses. Dans la nuit, on doit faire appel à la troupe pour ramener l'ordre, et des blindés font mouvement sur Naples. Cette manifestation, totalement improvisée et dénuée de but, est évidemment une révolte directe contre le temps marginal des transports, qui augmente si lourdement le temps de l'esclavage salarié dans les villes modernes. Cette révolte, éclatant à propos d'un incident fortuit supplémentaire, commence ensuite à s'étendre à tout le décor (nouvellement plaqué sur le paupérisme traditionnel de l'Italie du Sud) de la société de consommation : la vitrine et le néon en étant à la fois les lieux les plus symboliques et les plus fragiles, comme lors des manifestations de la jeunesse sauvage.

Le 4 août en France, les mineurs en grève de Merlebach s'attaquent à vingt et une voitures stationnant devant les locaux de la direction. Tout le monde a souligné, avec stupeur, que ces automobiles étaient presque toutes celles d'employés de la mine, donc de travailleurs très proches d'eux. Comment ne pas y voir, en plus de tant de raisons qui justifient en permanence l'agressivité des exploités, un geste de défense contre l'objet central de l'aliénation consommatrice ?

Internationale situationniste, n°7, avril 1962