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GRANDEUR ET LIMITE DE
L'AUTOMATION
QUELQUES PROBLEMES ACTUELS DU
CAPITALISME

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Il faut ajouter à cela que l'histoire, en règle générale, ne repasse jamais les mêmes plats. Si a existé un formidable développement des organisations syndicales sur les bases sociales fondées par le taylorisme et le fordisme, il faut remarquer malgré tout que l'ossature de ces organisations est restée aux mains des anciennes catégories ouvrières. Il semble que plus le travail est professionnellement déqualifié et socialement dévalorisé, moins le capital parvient à créer cet encadrement prolétarien au sein de la société dont il a pourtant besoin. Mais à tout prendre, il ne s'agit là que de la formulation de quelques hypothèses relatives à l'évolution possible du capital et de son rapport au travail que le développement de l'automation a révélé au grand jour. Il reste loin de la coupe aux lèvres, l'étape du capital à venir sera celle des profondes secousses qui l'affecteront gravement, sera celle de la manière dont il pourra y faire face, celle de sa capacité à les surmonter et à initier réellement sa modernisation.

Et de ce point de vue nous ne pouvons qu'être inquiets, les temps semblent changer et les discours évoluent de la même manière. nOuf c'est fini, le malheur est derrière nous, la croissance économique est repartie du bon pied, et elle sera même beaucoup plus forte que ce qui était prévu par les plus optimistes" clame à l'envi, et jusqu'à la prochaine aggravation de la situation, la grande majorité des responsables du capitalisme qui y voient même la justification de leurs propos antérieurs. Quitte à ne pas hurler avec les loups, l'auteur ose affirmer qu'il s'agit là d'une vision et d'une compréhension à court terme, mais cela n'a rien d'étonnant de leur part. Ces cris de triomphe ne concernent que l'aspect strictement "économique"de la crise du capital, ils oublient l'essentiel, sa réalité sociale et le problème majeur qu'elle pose, combien de temps encore cette société pourra-t-elle continuer d'exister tout en étant aussi inutile à elle-même qu'elle l'est actuellement? Un symptôme, à lui seul, traduit l'ampleur de cette crise sociale qui ne se résoud pas, bien au contraire, l'extraordinaire montée en puissance de la marchandise "charité et humanitarisme en tout genre" qui devient un moment incontournable de l'organisation capitaliste elle-même. Pas une journée, une semaine sans que les médias ne vantent en vrac les mérites de l'abbé Pierre ou de monseigneur Gaillot, des restaurants du coeur, des SAMU sociaux, du sauvetage des espèces animales en voie de disparition, du sauvetage des enfants au Rwanda ou au Burundi etc...Le comble de l'ignominie ayant été atteint cet hiver par l'exemple lyonnais où de grands chefs de cuisine se sont commis à préparer la soupe pour les sans abri: "Et une louche de caviar pour les pauvres et une. Ça marche, chaud devant." Une horreur. Ces cris d'auto-congratulation gomment au passage la multiplication des dérèglements économiques et sociaux dont nous avons parlé tout au long de ce texte. Historiquement, ils oublient même qu'avant 1929 le capital avait connu différentes embellies de l'activité économique, saluées à chaque fois comme sortie définitive de la crise. Nous en connaissons la suite malheureuse. Pour conclure, nous savons que la baisse forcée et autoritaire des salaires n'est qu'un palliatif à la crise dont elle renforce même les caractéristiques. Nous savons aussi que le travail sous la contrainte stricte n'est pas une solution d'avenir pour le capitalisme moderne. Si les patrons ont besoin de licencier, ils ne restaureront jamais la productivité par la force et les menaces. Dans cette perspective, l'automation ne peut apparaître comme une solution crédible à terme, en ce sens qu'elle peut favoriser encore l'accentuation des traits caractéristiques du fonctionnement actuel du capitalisme. Nous avons vu que l'état-nation lui-même est en crise. Tous les ingrédients de l'approfondissement de la crise sont donc réunis.


Karl Nesic, Un autre regard sur le communisme, l'Harmattan,1995, tome 2 - Chap. X