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GRANDEUR ET LIMITE DE
L'AUTOMATION
QUELQUES PROBLEMES ACTUELS DU
CAPITALISME

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Actuellement, bien que le chômage et les différentes formes d'exclusion sociale de la réalité du capital ne cessent de croître, le capital ne peut se résoudre à accélérer de manière drastique la liquidation de la force de travail en surnombre. Il lui paraît, aujourd'hui encore, plus souhaitable et plus profitable de composer avec elle, de contenir dans des limites supportables son opposition en lui octroyant quelques concessions. Il lui apparaît encore plus bénéfique d'acheter la paix sociale, en versant notamment aux chômeurs des allocations qui leur donnent le rang de consommateurs de seconde zone, que de les acculer massivement à la délinquance ou à la révolte. Nous remarquons que les états oscillent entre ces deux politiques, ils continuent certes de fournir ces allocations et les services des différents organismes sociaux, mais ils n'hésitent pas à réprimer durement dès que les limites du comportement social leur semblent être dépassées, (-en France, la politique dite des banlieues navigue entre volonté de réhabilitation économique et sociale et sévère répression et flicage permanent-). Par ce biais, l'état manifeste aussi sa volonté de lutter contre l'émergence des économies dites souterraines ou parallèles avec ses ateliers clandestins et ses trafics divers. Il oublie, ce faisant, que ce type d'économie reste de l'économie et participe du reste à la valorisation du capital, comme en témoigne amplement le recyclage des "narco-dollars" dans le circuit économique et financier "normal". Nous nous amuserons au passage, si ce n'est déjà fait, de la savante et subtile distinction faite entre argent "propre" et argent "sale". Il devrait être évident qu'en tant qu'équivalent général l'argent ne peut être ni propre ni sale, il ne peut être que de l'argent.

Toutefois, une telle politique développe, elle-même, ses propres limites comme le souligne P.Souyri: "Alors en effet, à supposer que la politique d'assistance aux chômeurs persiste, le capitalisme ne parviendrait à comprimer la masse des dépenses en capital variable, que pour voir augmenter les fonds qu'il devrait consacrer à subventionner une population grandissante de sans travail qui finirait par prendre les dimensions d'une plèbe parasitaire et par en occuper la position. ", opus cité. De toute manière, même dans une telle situation, les unités de production continueraient à fonctionner sur la base du travail salarié, mais la partie des produits, qu'elles fabriqueraient et qui serait affectée à la consommation des sans travail, aurait en fait perdu la qualité de marchandises. Toute une partie de la production n'aurait plus pour finalité le profit et se trouverait commandée par la consommation de la population qui aurait surgi de la décomposition du prolétariat. La société s'acheminerait en quelque sorte vers la généralisation des "Restaurants du Coeur" et autres "SAMU sociaux". Une telle situation est totalement inenvisageable pour le capital, car " (...) dans une telle situation, où le capitalisme se trouverait contraint d'organiser une production qui ne rapporterait pas de profits et de fonctionner ainsi en violation permanente de ses propres lois, n'est pas concevable.", opus cité. Un système social ne peut, en effet, renoncer de par lui-même à sa propre logique pour ne subsister uniquement que comme rassemblement social et garantir simplement, par là même, la domination de la classe dirigeante. Il ne peut le faire que pour un temps, et tant qu'il freine ou bloque ainsi sa nature dans une inertie qui le sert momentanément. Mais il ne peut pas le faire au point où cette nature serait fondamentalement remise en cause, car, alors, par une série de chocs en retour, c'est tout le tissu social qui ferait défaut et les assises de la classe dirigeante définitivement sapées. Une telle évolution semble pourtant se dessiner dans les anciens pays bureaucratiques, mais elle n'est devenue possible que parce que ces pays ne sont plus, actuellement du moins, déterminants et essentiels dans la valorisation du capital. Pour autant, le capital ne peut laisser se développer une telle situation durant des années, car la contagion sociale peut gagner les métropoles développées par le biais d'une forte immigration dite sauvage qui fuirait en masse l'extrême misère de son propre pays et qui ne cesserait d'alourdir au delà du pensable et de l'acceptable leur propre fonctionnement. Le capital doit, à terme, créer ne serait-ce que quelques îlots de développement dans ces pays pour contrebalancer ces tendances fortement négatives, ne serait-ce que pour y restaurer l'espoir social de meilleurs lendemains.

Face au libéralisme, qui continue de montrer ses limites alors qu'au contraire il devait assainir l'économie et lui permettre une nouvelle période de développement, certains gestionnaires pourraient être tentés par la perspective d'un retour à l'étatisme pur et dur, au delà même du keynésianisme, qui garantirait un certain niveau de consommation et de loisirs, qui garantirait à tous les producteurs l'emploi partagé et réduit, emploi qui serait alors même imposé par l'état aux patrons, au prix d'une non compétitivité des produits qui, en outre, ne seraient même plus proposés à la concurrence. Non seulement tous les états devraient se diriger quasi simultanément vers cette voie, mais il faut tout de suite signaler qu'une telle volonté affichée ne serait-ce que dans un petit nombre de pays provoquerait presque immédiatement une fuite énorme des capitaux, et mondialisation de l'économie aidant, une délocalisation massive des unités de production. Un tel capitalisme planifié est totalement inconcevable, il supposerait une volonté et des intérêts communs qui n'existent pas, et qui n'existeront jamais. Par ailleurs les pays, qui auraient refusé cette étatisation, feront toujours pression sur un marché mondial même rétréci pour y réimposer les lois de la valorisation. D'autre part, il faut se souvenir que ce type d'étatisation a déjà réellement existé, et que son effondrement a montré, une fois encore, qu'on ne saurait jouer impunément avec la loi de la valeur. Plus profondément, un capital ainsi organisé serait un non sens, parce qu'il serait un capitalisme non basé sur le mouvement de la valeur, donc un capitalisme qui ne serait plus du capitalisme. Tout simplement, comme l'histoire le montre, le capital peut bloquer la loi de la valeur pour un temps, mais il ne peut jamais s'y soustraire totalement, car même en la bloquant il ne fait alors qu'en subir la négativité et non son caractère positif. Toutefois, nous ne pouvons totalement exclure la possibilité de passage, un jour et en l'absence de révolution communiste, à un nouveau type d'exploitation autre que le capitalisme après une fort longue période de transition. Mais rien n'annonce actuellement une semblable mutation. S'il est vrai que les pays capitalistes développés et les groupes industriels transnationaux se trouvent englués dans le procès de la valorisation, cela ne les empêche nullement, comme nous l'avons déjà signalé, de favoriser le développement capitaliste même sur des bases totalement obsolètes de quelques zones géographiques nouvelles, possiblité qui témoigne à son niveau de son possible dynamisme.

Cette société reste donc, aujourd'hui et pour très, très longtemps encore, engluée dans le capital, même si elle en fausse actuellement les règles pour pouvoir continuer simplement à exister. La crise est une crise capitalistique, en ce sens que l'automation et son développement coïncident avec le moment où le capitalisme a réalisé et épuisé sa fonction historique. L'automation met un point à la croissance des forces productives en tant que capital. L'alternative qu'il doit résoudre est soit de se pérenniser tel qu'il est et saper ainsi, dans sa sénilité, les conditions mêmes de son existence, soit de se donner une nouvelle jeunesse, rebondir en partant de cette crise pour organiser un nouveau cycle de développement. Dans cette évolution, il faut rejeter deux perspectives, la première, et nous avons vu pourquoi, d'un retour à l'étatisme imposant à la bourgeoisie la planification totale de l'économie, tel que cela fut notamment théorisé, au lendemain de la crise de 1929 dans les pays démocratiques, par le planisme, l'économie dirigée par la droite comme par la gauche, et les politiques dites abondancistes. La faillite historique et sociale de ce modèle en interdit définitivement la réutilisation. La seconde, mais rien n'autorise, pour un long moment du moins, à la penser réalisable et nécessaire, verrait une évolution capitaliste où le travail restant serait totalement brimé et l'organisation ouvrière et salariale soumise ou interdite. Le capital français s'est longtemps distingué par un anti-syndicalisme primaire qu'il finit même par regretter aujourd'hui. Certains patrons commencent, en effet, à se plaindre de l'absence de toute représentativité ouvrière, d'interlocuteurs valables en quelque sorte, même si, par ailleurs, ils les contournent ou suppléent à leur manque de représentativité réelle en s'adressant directement aux salariés. Il y a eu certes mise au pas sérieuse, comme sous le gouvernement Thatcher, mais pas d'interdiction absolue, gouvernement qui voulut exprimer, comme le gouvernement Reagan, un nouveau modèle (-avorté-) de développement du capitalisme, et donc un nouveau rapport entre capital et force de travail. Une telle évolution signifierait une sorte de retour au fascisme, le capital compensant l'incapacité de son énergie interne à restaurer la compétitivité par l'aventure externe, l'expansion externe.